Autoportrait masqué

Et si on se masquait pour mieux se montrer? La photo d’identité est censée nous représenter tel que l’on est, sans artifice et de manière neutre. Et pourtant elle a l’apparence d’un masque, elle ne laisse rien paraître de nous-même. Le masque peut être plus expressif qu’une photo de soi…

« Qui suis-je? »

Qui est-on vraiment? Ce qu’il y a dans notre esprit? Notre image extérieure? Au présent? Au passé? Est-on aussi ce que l’on aimerait être? Les autres nous voient-ils comme on se voit nous-mêmes? Suis-je qui je pense être? Suis-je tout cela à la fois?

Les questions qui se posent quand on commence à réfléchir sur soi, sur son identité et sur son image sont infinies!

« Je est un autre » affirme le poète Arthur Rimbaud dans une lettre. Il continue en disant « J’assiste à l’éclosion de ma pensée, je la regarde, je l’écoute ». La création artistique permettrait-elle de faire surgir son véritable « Moi » en le laissant s’exprimer plus librement?

Autoportrait : représentation de soi par soi-même. L’autoportrait peut représenter uniquement le visage ou le corps dans sa totalité (autoportrait en pied). Le selfie est un autoportrait photographique, même si généralement le but d’un selfie n’est pas de se questionner sur soi-même!

Rares sont les artistes qui n’ont pas réalisé leur autoportrait, au moins une fois. Nous ne voyons notre propre visage que par des intermédiaires : le miroir, la vitre, la surface de l’eau, la photographie, le regard des autres. Notre propre image nous est à la fois familière et étrangère, connue et étrange. L’autoportrait est une façon d’explorer ce lien bizarre à soi-même, au-delà de la simple apparence physique.

La thématique du « masque » : certains artistes ont travaillé l’autoportrait en se déguisant, en jouant des personnages, en se recouvrant, en se masquant, à la recherche de leur identité, de leur « Moi ». Ils se racontent dans le temps, ils dénoncent les clichés, ils extériorisent leurs émotions, leurs pensées…

Porte attention à :

-la signification des objets et des matériaux que tu utilises pour te « masquer ».

-la qualité de la mise en scène photographique (lieu, lumière, couleurs, cadrage…) qui accentuera ce que tu cherches à exprimer de toi.

Contraintes :

-Le masque recouvre tout ou une grande partie de ton visage.
-Techniques : techniques mixtes (collage, peinture, assemblage,
sculpture, etc.) et photographie.
-Tu te mettras en scène avec ton masque dans une photographie, à
envoyer sur l’Ent.

Travaille ton projet à l’aide de croquis, dans ton carnet de croquis (autoportraits, croquis en lien à ton autoportrait chinois ou pour préparer la réalisation du masque et la mise en scène de ta photo…)

Les références

Albrecht Dürer (1471-1528) est sans doute le premier artiste à pratiquer l’autoportrait. Dans l’antiquité et au Moyen-âge, l’artiste ne se représente pas. En fait, l’artiste n’en est pas vraiment un. L’art tient plus de l’activité manuelle, et l’artiste est plutôt un artisan. C’est à la Renaissance que l’art est considéré comme un travail de l’esprit, et que le genre de l’autoportrait se développe. L’artiste, doté d’un nouveau statut, questionne alors autant le monde visible que lui-même en tant qu’artiste.

Le passage du temps

Rembrandt (1606-1669) a réalisé environ quatre-vingt autoportraits, variant les expressions, les tenues, les styles, laissant ça et là des indices sur les événements de sa carrière et de son époque. L’ensemble retrace à la fois l’évolution de sa technique, de son statut et de son apparence au fil du temps.

La lumière provient presque systématiquement de l’angle supérieur gauche, et éclaire le visage, et en particulier le front, lieu de la pensée. La zone éclairée contraste fortement avec une grande partie de l’espace plongée dans l’ombre. Cette technique se nomme le Clair-obscur.

Gustave Courbet : se raconter

L’homme blessé de Gustave Courbet, peinture à l’huile réalisée de 1844 à 1854, est un repentir : le tableau en cache un autre. Courbet s’était d’abord représenté avec la femme qu’il aimait, blottie contre son épaule. Après leur rupture, il transforme la scène et recouvre l’image de son amoureuse en se représentant en duelliste blessé au cœur et expirant son dernier souffle.

Les rayons X ont permis de dévoiler la première scène, qui ressemble beaucoup au croquis Sieste champêtre, sans doute le croquis préparatoire.

Pablo Picasso : se confronter à soi-même

Cet Autoportrait face à la mort, réalisé en 1972, est le dernier autoportrait de Picasso. Il révèle une inquiétude et une fragilité, et en même temps le visage nous fait face, en gros plan, comme s’il affrontait la réalité. Picasso s’inspire du masque africain, qu’il affectionne et collectionne.

Picasso s’incarne en taureau, dans un portrait de Edward Quinn.

Francis Bacon : extérioriser ses émotions

Dans ce triptyque (oeuvre en 3 parties) Trois études pour Autoportrait réalisé en 1979, Francis Bacon semble défiguré. Il ne l’est pas en réalité, mais dans ses autoportraits il déforme son visage en exprimant son intériorité et les mouvements de ses émotions et sensations. Il applique parfois la peinture en frottant le support avec différents objets et matériaux, et même avec son propre visage.

Francis Bacon, Deux études pour un autoportrait, 1970

Cindy Sherman : interroger les clichés

Depuis les années 1970, Cindy Sherman incarne des rôles, comme ici, dans Untitled Film Still #35, en 1979. Elle se photographie dans la peau de femmes stéréotypées : au cinéma, dans l’histoire de l’art, dans les magazines…elle questionne l’image de la femme, et sans doute sa propre identité, parmi tous ces modèles.

Gilbert Garcin : se mettre en scène

Gilbert Garcin se met en scène dans des photomontages qui évoquent des scènes de théâtre miniatures. Il réalise des décors et y placent des figurines photographiques, des photographies découpées, de lui-même et parfois de sa femme. Il prend donc des photos en photo.

Dans sa photographie Vivre masqué, réalisée en 1999, il traîne tout le poids des masques que l’on peut porter dans notre quotidien, en cachant son véritable visage.

Liu Bolin : s’engager

Liu Bolin est un artiste contemporain chinois qui disparaît dans ses autoportraits photographiques. Il commence en 2005 en posant devant son atelier détruit par le gouvernement chinois, comme s’il cherchait à affirmer son indignation tout en restant discret. Il affirme aussi l’invisibilité du peuple chinois aux yeux du régime totalitaire. La série Hiding in the city est le début d’une longue suite d’autoportraits pour lesquels Liu Bolin se fait peindre pour se fondre dans son environnement.

En se rendant invisible, il met l’accent sur des problèmes politiques et culturels, comme la censure, la liberté de la presse, la pollution, les abus de la société de consommation, etc.

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